#Mots-clés: Société de droit américain, Limited Liability Company, LLC, Impôt sur les sociétés, Mise à disposition gratuite d’un bien immobilier au profit d’un associé, SARL, Responsabilité personnelle des associés, Activité à caractère lucratif, États-Unis, assimilation
#Article du CGI/LPF: 115 quinquies, 119 bis, 206
#Convention fiscale: États-Unis (1994)
#Pays: États-Unis
Cette affaire s’inscrit dans la saga contentieuse des Limited Liability Company (LLC) de droit américain et pose la question de leur assimilation aux sociétés de capitaux françaises en vue de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés.
En l’espèce, une LLC dont le siège est situé aux États-Unis, dans l’État du Nevada, a acquis un bien immobilier en France qu’elle a mis gratuitement à la disposition de son associé majoritaire, un ressortissant de nationalité russe. Après une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a assujetti cette société, pour les exercices 2007-2008, à raison du montant estimé des loyers qu’elle aurait dû percevoir, à des cotisations supplémentaires, d'une part, d’impôt sur les sociétés et, d'autre part, de retenue à la source au taux de 5 % sur le fondement des articles 115 quinquies et 119 bis du CGI et du a) du 7 de l'article 10 de la convention fiscale francoaméricaine.
Suivant les conclusions du rapporteur public, le TA de Montreuil rejette la requête introduite par la société de droit américain.
Pour déterminer si les LLC de droit américain entrent dans le champ de l’impôt sur les sociétés à raison de leur forme sociale (CGI, art. 206, 1), le TA a dû s’interroger sur le point de savoir si la société en cause était assimilable à une société de droit français (méthodologie fixée par la décision CE, plén. fisc., 24 nov. 2014, n° 363556, Sté Artémis SA : Rec. Lebon).
Pour ce faire, le TA a mis en œuvre ses pouvoirs d’instruction pour avoir des éléments précis d’une part, sur le statut des LLC dans l’État du Nevada et d’autre part, sur les statuts de la société en cause.
Le tribunal a, en outre, repris les critères développés par le rapporteur public, E. Cortot-Boucher dans ses conclusions sur la décision Sté Artémis SA, permettant de distinguer sociétés de capitaux et sociétés de personnes : détermination de l’identité des associés, liberté dans la cession des parts par rapport à leurs pairs, et surtout, critère prépondérant, la responsabilité personnelle des associés en cas de pertes ; mais également les critères de distinction, en droit français, entre SARL et SA/SAS, à savoir que la liberté de cession est contrainte pour les SARL en tant qu’elle est subordonnée à l’accord des autres associés, alors qu’elle est en principe libre pour les SA/SAS (cf. TA Rennes, 18 oct. 2023, n° 2104358, Fillaut, C+ : FI 1-2024, n° 3, § 1, comm. B. Gouthière).
En l’espèce, le TA a relevé que la responsabilité des associés était limitée aux pertes, que la cession des parts était encadrée, et que les associés étaient précisément identifiés. Il a donc jugé que la LLC en cause était assimilable à une SARL de droit français.
Il est à noter que cette solution est contraire à l’arrêt de la CAA de Marseille, du 2 février 2017 (CAA Marseille, 2 févr. 2017, n° 16MA02619, Sté Emerald Shores LLC, C+) rendu lui-même sur conclusions contraires dans le cadre d’un premier contentieux introduit par la société américaine pour les exercices 2004-2005 (antérieurs à ceux du présent litige), et qui avait jugé sur renvoi du juge de cassation (CE, 9e ch., 27 juin 2016, n° 386842, inédit au recueil Lebon) que la LLC ne pouvait être assimilée, à raison de ses caractéristiques et de sa forme, à une société passible de l’impôt sur les sociétés en France. Mais elle est conforme à plusieurs solutions retenues précédemment par différentes cours administratives d’appel (CAA Nancy, 16 nov. 2017, n° 16NC00503 - CAA Paris, 13 juin 2019, n° 18PA00035. - CAA Douai, 12 mai 2011, n° 09DA01666).