#Mots-clés: Société de personnes, échange de titres, démembrement de propriété, usufruit, cession d’usufruit, moins-value, plus-value, prix d’acquisition, sous-filiale, déficit reportable, jurisprudence Quemener
#Article du CGI/LPF: 8, 8 ter, 218 bis, 238 bis K, 239 quater B, 239 quater C
Cette décision fichée aux tables complète la jurisprudence Quémener relative aux modalités d’imposition des gains de cession de parts de sociétés de personnes (CE, 16 févr. 2000, n° 133296 : Rec. Lebon) complété par la décision Jaeger (CE, 8 nov. 2017, n° 389990, Jaeger : Lebon T.)
En l’espèce, une société assujettie à l’impôt sur les sociétés a cédé en 2009, dans le cadre d’une opération d’échange, l’usufruit des parts d’une SNC Franco-belge soumise au régime fiscal de l’article 8 du CGI et a imputé, en conséquence, sur son résultat imposable au titre de l’exercice clos le 30 septembre de la même année, une moins-value et reporté sur les exercices postérieurs le déficit engendré.
À l’issue d’une vérification de comptabilité de la société cédante portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, l’administration fiscale a estimé que l’opération d’échange se soldait non par une moins-value mais par une plus-value et a procédé à un rehaussement de base au titre de l’exercice clos en 2009 et remis en cause le montant du déficit reportable déclaré à la clôture du dernier exercice vérifié.
Par un arrêt du 13 septembre 2023 (CAA Paris, 27 sept. 2023, n° 22PA01397, Sté Pierre et Vacances Financement, concl. A. Segretain, C : IP 1-2024, n° 6, § 25, comm. L. Chatain), la CAA de Paris a, sur appel formé par la société contre le jugement du TA de Montreuil du 27 janvier 2022 confirmant les rectifications opérées par l’administration, réduit la base imposable au titre de l’exercice 2009 et rétabli en conséquence le déficit déclaré au titre de ce même exercice.
Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.
Dans sa décision, le Conseil d’État reprend le considérant de principe de la jurisprudence Quemener. Il rappelle que dans l’hypothèse où un associé cède les parts qu'il détient dans une société ou un groupement relevant ou ayant relevé de l'un des régimes prévus aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du CGI, le résultat de cette opération doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique de ces sociétés, en retenant, comme prix d'acquisition de ces parts, leur valeur d'acquisition majorée, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux revenus imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application de ce régime et, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler.
Il ajoute que ce prix d'acquisition doit être par ailleurs minoré, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu octroyer un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé. Il ajoute en outre que le prix d'acquisition des parts cédées doit également être majoré de la quote-part, revenant à l'associé cédant, des bénéfices non répartis de la société ou du groupement et qui n'ont pas fait l'objet d'une imposition effective en application d'une disposition par laquelle le législateur a entendu accorder un avantage fiscal définitif.
Le Conseil d’État juge d’une part que ce correctif issu de la jurisprudence Quemener s’applique en cas de démembrement de la propriété des parts cédées, à raison de la quote-part des résultats revenant respectivement à l’usufruitier et au nu-propriétaire.
Le Conseil d’État juge d’autre part que, lorsque cette société ou ce groupement détient lui-même des participations dans une entité relevant ou ayant relevé de l'un des mêmes régimes prévus aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du CGI, le prix d’acquisition des parts cédées doit par ailleurs être majoré de la quote-part, revenant indirectement à l’associé cédant, des bénéfices non répartis de cette entité et qui n'ont pas, non plus, fait l'objet d'une imposition effective en application d’une disposition ayant le même objet.
Le pourvoi du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté conformément aux conclusions du rapporteur public.