#Mots-clés: Cession, Plus-value immobilière, Biens immobiliers, Prépondérance immobilière, Société de droit néerlandais, Société de placement à prépondérance immobilière à capital variable de droit français, SPPICAV, Société civile immobilière, SCI, Détention indirecte
#Article du CGI/LPF: 244 bis A, 1728, 1761
#Convention fiscale: Pays-Bas (1973)
#Pays: Pays-Bas
La présente affaire a amené le TA de Montreuil à trancher une question d’interprétation du § 1 de l’article 13 de la convention fiscale franco-néerlandaise de 1973.
Le tribunal a été saisi par une société de droit néerlandais qui a perçu une plus-value à raison de la cession de l’intégralité du capital social d’une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) de droit français ; les actifs de cette dernière étant eux-mêmes principalement constitués de la totalité des parts de deux sociétés civiles immobilières. L’administration a soumis cette plus-value au prélèvement de l’article 244 bis A du CGI, à la majoration de 10 % prévue à l’article 1728 du même code, à l’amende de 25 % prévue au I de l’article 1761 et aux intérêts de retard.
Conformément au principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales (CE, ass., 28 juin 2002, n° 232276, Min. c/ Sté Schneider Electric), le tribunal s’est d’abord placé sur le terrain de la loi fiscale nationale. Il a rappelé que la plus-value était imposable en droit interne sur le fondement du d) du 3 du I de l’article 244 bis A du CGI qui prévoit que ce régime s’applique aux plus-values résultant de la cession d’actions de SPPICAV lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société dont les actions sont cédées.
À cet égard, le Conseil d’État a déjà jugé que la loi fiscale assimile les parts des sociétés à prépondérance immobilière (CGI, art. 244 bis A, I, 3, h) à des biens immobiliers (CE, 24 févr. 2020, n° 436392, Baartmans, concl. K. Ciavaldini : FI 2-2020, n° 8, § 29, comm. M. Lédée ; FI 2-2020, n° 7, § 9, comm. P. Legentil). Cette solution a été étendue au cas visé par le d) du 3 du I de l’article 244 bis A du CGI.
Cette étape franchie, le tribunal a examiné le moyen soulevé par la société néerlandaise requérante tiré de ce que la plus-value en litige n’entre pas dans le champ du § 1 de l’article 13 de la convention fiscale franco-néerlandaise, mais relève du § 4 de ce même article qui fait obstacle à son imposition en France.
Aux termes de l'article 13 de la même convention : « 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis au paragraphe 2 de l'article 6, ainsi que les gains provenant de l'aliénation de parts ou de droits analogues dans une société dont l'actif est composé principalement de biens immobiliers sont imposables dans l'État où ces biens sont situés. […] / 4. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes précédents ne sont imposables que dans l'État dont le cédant est un résident. […] ».
Dans la décision Baartmans précitée, le Conseil d’État a jugé que la notion de bien immobilier, au sens du § 4 de l’article 3 de la convention franco-belge, devait être déterminée, conformément à ces stipulations, au regard des lois de l’État contractant où est situé le bien considéré et de retenir, ainsi qu’il est prévu par la convention, à moins que le contexte n’exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque État contractant, les impôts faisant l’objet de la convention. Le Conseil d’État en a déduit que la plus-value litigieuse relevait de l’article 3 de la convention fiscale franco-belge.
Le TA de Montreuil a estimé que le § 1 de l’article 13 de la convention franco-néerlandaise appelle une solution différente. Il a rappelé que ces stipulations, qui comportent un article relatif aux gains en capital comme le modèle élaboré par l’OCDE, s’appliquent tant à l’aliénation de biens immobiliers qu’à l’aliénation de parts ou de droits analogues dans une société dont l’actif est composé principalement de biens immobiliers. Ces gains sont, en vertu de ces stipulations, imposables dans l’État où les biens sont situés.
Le TA a estimé que ces stipulations doivent être interprétées comme prévoyant deux hypothèses d’aliénations qui concernent nécessairement des biens distincts.
Le tribunal a jugé que, en l’absence de toute précision sur le caractère indirect de la détention de biens immobiliers par la société, ces stipulations doivent être interprétées comme limitant l’imposition dans cet État à l’hypothèse où l’actif est directement constitué de biens immobiliers.
Par suite, le principal moyen de la requête a été retenu et les conclusions aux fins de décharge ont été accueillies, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les moyens propres aux pénalités.
Le rapporteur public avait proposé une solution inverse, et s’est donc prononcé sur les questions posées par le cumul entre l’amende de 25 % prévue au I de l’article 1761 et la majoration de 10 % prévue à l’article 1728 du CGI. Cette affaire soulevait, à cet égard, une question nouvelle et délicate de conformité de ce cumul au droit de l’Union européenne.
Dans ses conclusions, le rapporteur public a estimé que le cumul était de nature à compromettre la libre circulation des capitaux : en l’absence de différence de situation objective au regard des obligations déclaratives et de paiement entre résidents et non-résidents, et de raison impérieuse d’intérêt général dont aurait pu se prévaloir l’administration, le rapporteur public avait estimé que le cumul entre l’amende de 25 % (CGI, art 1761, I) et la majoration de 10 % (CGI, art. 1728) méconnaissait la libre circulation des capitaux garantie par le droit de l’Union européenne. Ce cumul était également critiqué sous l’angle constitutionnel du principe de proportionnalité : proposition, faite par le rapporteur public d’une solution d’inopérance, à relier à la décision Caroupaye du 5 février 2024 (CE, 5 févr. 2024, n° 472284, Caroupaye, concl. R. Victor : Rec. Lebon ; FI 2-2024, n° 9, § 43, comm. O. Dauchez).
S’agissant enfin du moyen tiré de la méconnaissance de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention EDH, lequel garantit le droit au respect des biens, le rapporteur public avait également proposé de l’écarter comme inopérant, conformément à la jurisprudence Sté Edenred France du Conseil d’État du 4 décembre 2017 qui refuse d’opérer un contrôle dit in concreto (CE, 4 déc. 2017, n°379685, Sté Edenred France).