Virginie RESTINO
Rapporteure publique à la Cour administrative d'appel de Toulouse
Rapporteure publique à la Cour administrative d'appel de Toulouse
Annexe 5 : CAA Toulouse, 1re ch., 26 sept. 2024, n° 23TL00674, Sté Sod Invest, concl. V. Restino, C
#Mots-clés: Impôt sur le revenu, Époux séparés de biens, imposition distincte, imposition commune, résidence temporaire, résidence séparée, centre des intérêts familiaux, foyer d’habitation permanent, domicile fiscal, centre de leurs intérêts vitaux, démission, cessions de titres, plus-value, option d’achat, parts de fondateur, libre circulation des capitaux, procédure d’imposition, examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, ESFP, avis de vérification, durée maximale, régularité de la procédure, devoir de loyauté, demandes de renseignements, abus de droit
#Article du CGI/LPF: 4 A, 4 B, 120, 150-0 A, L. 10, L. 12, L. 64
#Convention fiscale: Madagascar (1983)
#Pays: Madagascar
La présente affaire concerne un couple marié sous le régime de la séparation de biens et ayant vécu séparément au cours des années 2011 et 2012 ; l’époux, pour les besoins de son activité professionnelle, s’est trouvé dans l’obligation de résider à Madagascar, l’épouse quant à elle a continué de résider en France avec son fils. Ils ont fait l’objet d’un examen de leur situation fiscale personnelle à l’issue duquel leur ont été notifiés des rehaussements de leurs revenus imposables au titre de ces mêmes années à la suite de cessions de titres par l’époux domicilié à Madagascar. Le TA de Nîmes a confirmé les impositions supplémentaires mises à leur charge.
L’affaire pose notamment la question de l’imposition conjointe des appelants en France. Ces derniers soutiennent en effet devant la cour que l’époux bénéficiaire des revenus ayant donné lieu à rehaussement, devait être imposé séparément de son épouse et, par ailleurs, qu’il était résident de Madagascar les années en litige.
Sur la question de l’imposition conjointe, la CAA rappelle qu’il résulte de l’article 6 du CGI que, dans le cas d’époux séparés de biens, le simple fait que les intéressés résident sous des toits séparés entraîne leur imposition distincte, dès lors que cette résidence n’a pas un caractère temporaire.
Après avoir relevé que les appelants ne vivaient effectivement pas sous le même toit au cours des années 2011 et 2012, la CAA précise toutefois que cette situation, qui doit être regardée comme étant inhérente à l’obligation dans laquelle l’époux se trouvait de devoir résider à Madagascar pour les besoins de son activité professionnelle, présentait un caractère temporaire. Elle ne permet donc pas d’établir l’existence d’une résidence séparée. La cour juge donc que les intéressés ont été soumis à bon droit, conformément d’ailleurs aux déclarations communes qu’ils ont souscrites au titre des années en litige, à une imposition commune sur leurs revenus imposables en France sur le fondement de l’article 6 du CGI.
Les appelants ont également contesté le principe même de leur imposition en France, en soutenant, d’abord, au regard de la loi, que leur foyer fiscal n’était pas en France. Pour écarter ce moyen, la cour a notamment relevé que :
- le fils des appelants a été scolarisé en France sans interruption à partir du mois d’avril 2009 et jusqu’à la fin de l’année scolaire 2013-2014 ;
- l’épouse a acquis, en mai 2008, un appartement situé en France dans lequel elle a habité durant la scolarité de son enfant de 2010 à 2012 puis, l’enfant changeant d’établissement, elle a changé de domicile et s’est installée dans la maison dont elle et son époux sont propriétaires et située dans la même commune que l’établissement scolaire de son fils ; enfin
- aucun élément apportés par les appelants ne permet de considérer que la résidence en France de l’épouse et de son fils aurait été motivée par des circonstances de caractère exceptionnel résultant de violences politiques à Madagascar.
Dans ces conditions, la cour a jugé, et ce quelle qu’ait été la durée des séjours à Madagascar, que les intéressés disposaient en France, au cours des années en litige, de leur foyer et, par suite, de leur domicile fiscal en application du a du 1 de l’article 4 B du CGI et qu’ils étaient dès lors passibles de l’impôt sur le revenu en France en raison de l’ensemble de leurs revenus.
Les appelants ont en outre invoqué la convention fiscale franco-malgache et soutenu qu’elle faisait obstacle à l’application de la loi fiscale française.
Selon la cour, alors même que l’époux exerçait son activité professionnelle à Madagascar, où il avait obtenu une carte de résident depuis 2005, les appelants doivent être regardés comme ayant eu en France, au cours des années en litige, le centre de leurs intérêts vitaux au sens du a du 2 de l’article 4 de la convention fiscale franco malgache, de sorte qu’ils avaient la qualité de résident en France pour l’application de cette convention. Celle-ci ne fait dès lors pas échec à leur imposition en France.
Plusieurs moyens relatifs à la régularité de la procédure d’imposition ont également été invoqués et écartés successivement par la CAA de Toulouse.
La requête est rejetée, conformément aux conclusions du rapporteur public.
#Auteur: Virginie¤ RESTINO
#Qualités: Avocat associée, Hoche Société d’Avocats
Le niveau d’intensité normative des directives, c’est-à-dire la mesure dans laquelle elles prédéterminent les normes qui en assurent la transposition en droit interne, n’est pas sans conséquence sur les modalités de contrôle de celles-ci.
En témoigne la décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 20181 par laquelle le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur une loi de transposition d’une directive d’harmonisation minimale, qui comprenait, d’une part, des dispositions tirant les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de la directive et, d’autre part, des dispositions prises dans la marge d’appréciation laissée aux États membres par cette directive. Le Conseil a exercé un contrôle ordinaire sur les secondes, par contraste avec le contrôle singulier opéré sur les premières, commandé par l’exigence constitutionnelle de transposition des directives.
À la lumière de cette décision, cet article présente les particularités du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition des directives. D’une part, l’exigence constitutionnelle de transposition des directives implique que le Conseil contrôle – uniquement a priori – la compatibilité de la loi avec les dispositions impératives de la directive qu’elle transpose (V. § 2) ; d’autre part, sauf exception, il ne contrôle pas la conformité de la loi aux autres exigences constitutionnelles (V. § 6). Ce contrôle singulier ne s’exerce, toutefois, que sur les dispositions législatives tirant les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive. Les dispositions législatives transposant les dispositions d’une directive qui n’ont pas cette intensité normative font quant à elles l’objet d’un contrôle ordinaire (V. § 17).