#Mots-clés: Bénéficiaire effectif, retenue à la source, redevances
#Article du CGI/LPF: 182 B
#Convention fiscale: Malte (1977), Nouvelle-Zélande (1979)
#Pays: Malte, Nouvelle-Zélande, Belgique
La société Planet distribue des programmes de cours collectifs de fitness conçus par la société de droit néo-zélandais Les Mills international auprès de salles de sport, sous la marque « Les Mills ». L’administration a mis à sa charge des retenues à la source à raison de sommes qualifiées de redevances versées à la société belge Les Mills Belgium et à la société maltaise Les Mills Euromed. Le Tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des rappels et la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement. Le Conseil d’État a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire à la cour (CE, 20 mai 2022, n° 444451, Sté Planet, concl. C. Guibé : FI 3-2022, n° 5.1.2, comm. C. Valentin et J. Brasart).
Droit interne - Dans un premier temps, la cour précise la nature, en droit interne, des rémunérations versées par la requérante aux sociétés belge et maltaise. Aux termes de l’article 182 B du CGI, les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés payées par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes morales qui n’ont pas dans ce pays d’installations professionnelles permanentes donnent lieu à retenue à la source lorsque ces personnes morales relèvent de l’impôt sur les sociétés.
La cour analyse les contrats conclus entre la requérante et les sociétés Les Mills Belgium et les Mills Euromed, ainsi que le contrat conclu entre la requérante et la société néo-zélandaise Les Mills Aerobics International, afin de déterminer si les sommes en litige rémunéraient uniquement un droit de distribution, ainsi que le soutient la société requérante.
S’agissant des contrats conclus avec les sociétés belge et maltaise, la cour relève qu’ils indiquent que les distributeurs successifs accordent au sous-distributeur, la société Planet, le droit d’autoriser les clubs affiliés à utiliser ces programmes, logiciel et propriété intellectuelle. Elle relève également qu’ils prévoient que la société Planet, en tant que sous-distributeur, a le droit exclusif, d’une part, de facturer les clubs qui utilisent les programmes et les ressources à destination des instructeurs et des cours collectifs, les améliorations et la propriété intellectuelle, et d’autre part, d’afficher et d’utiliser les programmes et les ressources à destination des instructeurs et à destination des cours collectifs, les améliorations et la propriété intellectuelle pour toute démonstration et pour la formation.
S’agissant du contrat conclu en 1998 entre la requérante et la société néo-zélandaise, la cour précise que la requérante ne produit pas le contrat d’agence initial auquel ce contrat fait référence. Elle relève qu’il stipule que la société Planet pouvait utiliser le savoir-faire pour la formation des instructeurs et qu’elle bénéficiait d’un droit d’utiliser le nom et les logos pour son activité et pour la publicité. Elle relève également que la requérante facturait les programmes de cours homologués sous le nom « Les Mills » aux clubs suivant un contrat de vente comprenant un ensemble composé notamment de formations, de marketing et de programmes de cours, pour lesquels la requérante a déposé des marques.
Elle juge donc que l’administration est fondée à regarder les rémunérations en litige comme la contrepartie de l’usage ou de la concession de l’usage d’une marque, d’un savoir-faire ou d’informations demeurant la propriété de la société néo-zélandaise et à les considérer comme des produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés, soumis à la retenue à la source.
Droit conventionnel - Dans un second temps, la cour se place du point de vue du droit conventionnel. D’abord, elle se réfère aux conventions franco-néo-zélandaise et franco-maltaise, qui prévoient toutes deux que les redevances provenant d’un État et payées à un résident de l’autre État sont imposables dans cet autre État et qu’elles sont aussi imposables dans l’État d’où elles proviennent, étant précisé que si la personne qui reçoit les redevances en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder 10 % du montant brut des redevances.
La cour souligne que les rémunérations versées constituent des redevances pour l’application des deux conventions. Elle en déduit que la retenue à la source peut être appliquée au taux de 10 % aux sommes versées par la requérante à la société maltaise. Elle juge que dans ce cas, il n’est pas nécessaire de rechercher le bénéficiaire effectif des redevances, dès lors que les conventions conclues par la France avec Malte et avec la Nouvelle-Zélande permettent toutes deux l’application d’une retenue à la source au taux de 10 %.
En revanche, la cour recherche le bénéficiaire effectif des redevances versées par la requérante à la société belge. Elle se fonde sur trois éléments : d’abord, les rémunérations en litige rémunèrent l’usage ou la concession de l’usage d’une marque, d’un savoir-faire ou d’informations demeurant la propriété de la société néo-zélandaise, ensuite, les flux financiers provenant des clients des pays des sous-distributeurs sont dirigés vers la Belgique puis Malte, et ensuite versés en Nouvelle-Zélande, et étaient donc effectivement dirigés vers le pays de résidence de la société Les Mills International, et enfin, le circuit de paiement des rémunérations a été modifié à la suite d’un contrôle et les paiements en cours au profit de la société néo-zélandaise ont été suspendus pour être transférés à la société belge. La cour estime que la requérante n’apporte pas d’élément de nature à établir que la société Les Mills Belgium pouvait utiliser les redevances sans obligation de céder les paiements reçus à la société néo-zélandaise.
Elle juge donc que la société belge n’a pas pu user de prérogatives, du fait d’un rôle économique propre ne se limitant pas à celui d’intermédiaire, sur des sommes qui ne seraient pas restées sous le contrôle de la société Les Mills International et disposer des rémunérations qui lui ont été versées. Elle en déduit que la société Les Mills International doit être regardée comme le bénéficiaire effectif des redevances payées et que c’est à bon droit que l’administration a appliqué aux sommes versées une retenue à la source au taux de 10 % en application de la convention conclue entre la France et la Nouvelle-Zélande.