
Ancienne responsable fiscale du Centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État, Céline Guibé exerce les fonctions de rapporteur public au sein de la 9e chambre de la section du contentieux.
Maître des requêtes au Conseil d'État
Ancienne responsable fiscale du Centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État, Céline Guibé exerce les fonctions de rapporteur public au sein de la 9e chambre de la section du contentieux.
Droit de l'Union européenne - Directive mère-fille - Régime belge des « revenus définitivement taxés » (RDT) - La CJUE juge que les articles 1er, § 4, et 4, § 1 de la directive mère-fille (2011/96/UE, 30 nov. 2011) s'opposent à une réglementation d'un État membre, en l'espèce la Belgique, qui prévoit que les dividendes perçus par une société mère de sa filiale doivent être, dans un premier temps, inclus dans la base imposable de la première, avant de pouvoir faire, dans un second temps, l'objet d'une déduction, sans que celle-ci s'applique au montant d'un transfert intragroupe repris dans la base imposable.
CJUE, 6e ch., 13 mars 2025, C-135/24, John Cockerill SA (V. annexe 6)
Annexe 3 : CE, 9e et 10e ch., 29 nov. 2024, n° 487707, Carmignac : Lebon T., n° 487706, Helderlé et n° 487793, Leroux, concl. C. Guibé
#Mots-clés: Dividendes, Retenue à la source, exonération, Bénéficiaire effectif, siège de direction effective, Droit de l’Union européenne, Libre circulation des capitaux, abus de droit, Cour de justice de l'Union européenne, société non résidente déficitaire, Directive mère-fille
#Article du CGI/LPF: 119 bis, 119 ter, L. 188 A
Le Conseil d’État refuse d’admettre le pourvoi contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 27 nov. 2024, n° 23PA00449, Sté Cofima, concl. G. Perroy, C+ : FI 1-2025, n° 5, § 45, comm. J. Ardouin) qui, après avoir rappelé que le droit de l’Union européenne fait obstacle à ce qu’en application de l’article 119 bis, 2 du CGI, une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non résidente qui se trouve, au regard de la législation de son État de résidence, en situation déficitaire, a jugé qu’un contribuable ne saurait réclamer le bénéfice des dispositions du droit de l’Union lorsqu’elles sont invoquées, non pas en vue de réaliser les objectifs de ces dispositions, mais dans le but de bénéficier d’un avantage du droit de l’Union alors que les conditions pour en bénéficier ne sont que formellement remplies et que l’invocation de cet avantage n’est ainsi pas cohérente avec les finalités que visent les règles l’ayant institué. Par conséquent, lorsque la société non résidente qui a reçu les versements n’est pas le bénéficiaire effectif des distributions en cause, ou n’a pas son siège de direction effective dans l’État de résidence concerné, la société distributrice n’est pas fondée à se prévaloir des normes du droit de l’Union faisant obstacle à la mise en œuvre de la retenue à la source.
#Mots-clés: Dégrèvement, Restitution d'office, Impositions non dues, Décision gracieuse, juridiction gracieuse, Droit de l'Union européenne, Contrariété, Rejet définitif, Coopération loyale, Dividendes, Intérêts moratoires, Retenue à la source
#Article du CGI/LPF: 119 bis, L. 208, R. 211-1
#Convention fiscale: Belgique (1964)
#Pays: Belgique
Dans la présente affaire, le Conseil d’État crée une exception au principe issu de la décision Sté GBL Energy du 19 juin 2017 (CE, 19 juin 2017, n° 403096, Sté GBL Energy : Lebon T.) selon laquelle la décision de l'administration fiscale de faire usage du pouvoir que lui confère l’article R. 211-1 du LPF revêt en principe un caractère purement gracieux, ce dont il résulte que le refus d'accorder un dégrèvement sur ce fondement est insusceptible de recours et qu'un recours pour excès de pourvoi formé par un contribuable à l'encontre de la décision implicite par laquelle l'administration a refusé de mettre en œuvre cette faculté est irrecevable.
Le Conseil d’État juge en l’espèce que ce principe n’est pas applicable lorsque le rejet d’une réclamation relative à l’impôt est devenu définitif en conséquence d’une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort qui s’avère, au vu d’une jurisprudence de la CJUE postérieure, fondée sur une interprétation erronée du droit de l’Union et que le contribuable intéressé, après avoir pris connaissance de cette jurisprudence, a demandé à l’administration fiscale le réexamen de sa situation. Le Conseil d’État juge ainsi que l’administration fiscale est tenue de faire usage du pouvoir conféré par l'article R. 211-1 du LPF, dans le délai qu'il prévoit, afin de tenir compte de l'interprétation de la Cour.
En effet, il résulte de la jurisprudence de la CJUE, et en particulier de ses arrêts Kühne & Heitz NV du 13 janvier 2004 (CJUE, 13 janv. 2004, C 453/00, Kühne & Heitz NV) et Kempter c. / Hauptzollamt Hamburg-Jonas du 12 février 2008 (CJUE, 12 févr. 2008, C-2/06, Kempter c. / Hauptzollamt Hamburg-Jonas), que le principe de coopération loyale, « impose à un organe administratif, saisi d'une demande en ce sens, de réexaminer une décision administrative définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour lorsque / - il dispose, selon le droit national, du pouvoir de revenir sur cette décision ; / - la décision en cause est devenue définitive en conséquence d'un arrêt d'une juridiction nationale statuant en dernier ressort ; / - ledit arrêt est, au vu d'une jurisprudence de la Cour postérieure à celui-ci, fondé sur une interprétation erronée du droit communautaire adoptée sans que la Cour ait été saisie à titre préjudiciel (…) et / - l'intéressé s'est adressé à l'organe administratif immédiatement après avoir pris connaissance de ladite jurisprudence ».
Or, l’article R. 211-1 du LPF confère à l’administration fiscale le pouvoir de dégrever au-delà du délai normal de réclamation. C’est ainsi que, dans les affaires n° 488549, 488551 et 491414, le ministre a restitué, suite à l’arrêt Sofina, les retenues à la source en litige sur le fondement de l’article R. 211-1, faisant spontanément application de la jurisprudence Kühne (ces restitutions ont été opérées avant l’intervention de la décision CE, 5 nov. 2021, n° 433212, Min. c/ Sté Filux, concl. E. Bokdam-Tognettni : Lebon T. ; FI 1-2022, n° 5, § 33, qui a précisé les conditions d’appréciation de la situation déficitaire d’une société non résidente, lui ouvrant droit à restitution en vertu de la jurisprudence Sofina).
Dans ces conditions, lorsque les quatre conditions citées par l’arrêt Kühne sont remplies, la décision prise par l’administration sur le fondement de l’article R. 211-1 ne peut plus être regardée comme purement gracieuse. Elle revêt un caractère contentieux.
Le Conseil d’État en tire les conséquences :
- sur les intérêts moratoires : il y a bien une réclamation au sens de l’article L. 208 (implicitement, le Conseil d’État ne limite ainsi pas le champ de cet article aux seules réclamations de l’article L. 190) ;
- sur la recevabilité du recours dirigé contre le refus de procéder au réexamen de la situation du contribuable et de verser les intérêts moratoires ;
- sur la compétence d’appel des CAA : n’étant plus dans la matière gracieuse, les TA ne statuent plus en premier et dernier ressort sur le fondement du 5° du R. 811-1 du CJA.
Le Conseil d’État, suivant les conclusions du rapporteur public, attribue le jugement des requêtes enregistrées sous les n° 488549, 488551, 491414, 491418 à la CAA de Paris.
Le jugement de la requête n° 491417 relative aux retenues à la source au titre des années 2003 à 2005 est attribué à la CAA de Paris. Le pourvoi de la société relatif aux retenues à la source au titre des années 1999 à 2002 est quant à lui rejeté.
À noter que l’article R. 211-1 du LPF est de nature réglementaire : la jurisprudence de la CJUE ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire supprime cette possibilité de dégrèvement ou en restreigne les conditions, notamment le délai.
#Mots-clés: Plus-value, Plus-value immobilière, Bien immobilier, immeuble, Cession, Coordination des systèmes de sécurité sociale, Prélèvements sociaux, Régime de protection sociale suisse, Condition de résidence
#Article du CGI/LPF:
#Convention fiscale:
#Pays: Suisse
La présente affaire a conduit le Conseil d’État à interpréter l’article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et qui en définit le champ d’application.
Le requérant, un retraité de nationalité allemande, a réclamé, à la suite de la cession d’un bien immobilier situé en France, la restitution des prélèvements sociaux acquittés sur la plus-value réalisée au motif qu’il relevait du régime de protection sociale suisse.
La CAA de Paris a jugé qu’à défaut d’avoir établi, pour l’année en litige, avoir résidé dans un État membre de l’Union européenne, en Suisse ou dans un État membre de l’Espace économique européen, il ne pouvait, alors même qu’il aurait été affilié au régime de sécurité sociale obligatoire en Suisse, se prévaloir du règlement du 29 avril 2004 et réclamer par suite l’inapplication de la législation sociale française.
Le Conseil d’État, suivant les conclusions du rapporteur public, censure l’arrêt de la CAA de Paris.
Il juge que les ressortissants de l’un des États membres de l’Union européenne, de la Confédération suisse ou de l’un des États membres de l’Espace économique européen entrent dans le champ du règlement, sans condition de résidence, dès lors que ces personnes sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d’un ou plusieurs de ces États.
Il précise que la condition de résidence dans l’un des États membres s’applique uniquement aux apatrides et aux réfugiés.
Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de Ruyter (CJUE, 26 févr. 2015, C-623/13, de Ruyter).
#Mots-clés: Réévaluation libre de l’actif, Valeur vénale, Valeur réévaluée, Écart de réévaluation, Revenu d’immeuble, Plus-value, Cession immobilière
#Article du CGI/LPF: 38, 53 A, 54, 164 B, 209, 244 bis A, 1761
#Convention fiscale:
#Pays:
Les présentes affaires impliquent des sociétés danoises qui ont acquis des immeubles dans le « triangle d’or » parisien et qui ont profité des derniers jours de la convention fiscale franco-danoise de 1957, dénoncée le 10 juin 2008 avec prise d'effet au 1er janvier 2009, pour procéder à leur réévaluation avant le 31 décembre 2008 et les céder après le 1er janvier 2009. Les plus-values de cession ayant été considérablement minorées du fait de ces réévaluations, l'administration fiscale a utilisé deux leviers de rectification :
- la contestation du montant de la valeur réévaluée - le Conseil d’État a validé dans une précédente affaire les rectifications de l’administration fondées sur la minoration de la valeur réévaluée ; la valeur retenue par le contribuable ne correspondant pas à la valeur vénale (v. CE 26 nov. 2018, n° 413404, Sté 8 avenue d’Eylau) ;
- la contestation du montant de la plus-value de cession et des amortissements, l'administration prenant en compte non pas la valeur réévaluée mais la valeur d'origine.
Le TA et la CAA de Paris (CAA Paris, 28 juin 2023, n° 21PA04323, Sté 11 rue Saint-Dominique Paris VII APS, C, et n° 22PA05118, Sté 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS, C : FI 1-2024, n° 7, § 8, comm. P. Legentil) ont validé les rectifications, jugeant que l’administration était fondée à retenir, pour le calcul des amortissements litigieux et la détermination des plus-values soumises au prélèvement, le coût d’acquisition de l’immeuble comme constituant sa valeur d’origine, en application de l’article 38 quinquies de l’annexe III au CGI. Le Conseil d’État juge en sens contraire en faisant droit aux deux pourvois.
Le Conseil d’État juge que le profit résultant de la réévaluation d'un immeuble situé en France détenu par une société étrangère qui n'exploite pas d'entreprise en France, est passible de l'impôt sur les sociétés sur le fondement de l’article 164 B combiné avec l’article 209 du CGI, sauf stipulations conventionnelles y faisant obstacle, au titre de l'exercice de réévaluation :
- il qualifie le profit de réévaluation de « revenu d'immeuble » au sens du a de l’article 164 B ; cette solution n'était pas évidente dès lors que le Conseil d’État aurait pu juger que cette notion ne couvrait que des flux ; toutefois, dès lors que le résultat d'une société de capitaux est déterminé selon les règles du 2 de l’article 38 du CGI, le profit de réévaluation constaté à l'actif a une incidence immédiate sur le résultat de l'exercice ;
- le Conseil d’État juge que ces revenus d'immeubles sont dans le champ de l’article 209 du CGI, en relevant que le législateur a expressément conféré à la modification issue de la loi de finances rectificative pour 2009 un caractère interprétatif (ce qui permet, en tout état de cause, de couvrir les revenus des exercices antérieurs à l'entrée en vigueur de la LFR) ;
- le Conseil d’État réserve le cas des stipulations conventionnelles contraires : sont visées, implicitement, l'ancienne convention fiscale franco-italienne telle qu'interprétée par l’arrêt SPA Raffaella (CE, 22 mai 1992, n° 63266, SPA Raffaella), l'ancienne convention fiscale franco-luxembourgeoise (cf. CE, 18 mars 1994, n° 79971, Sté d'investissement agricole et forestier) et l'ancienne convention franco-danoise rédigée dans les mêmes termes et pour laquelle l'administration fiscale a transposé la jurisprudence précitée selon laquelle, eu égard aux termes de ces conventions, les revenus d'immeubles situés en France tirés d'une société non résidente ne sont pas imposables en France, en l'absence d'établissement stable ;
- le Conseil d’État indique que, s'agissant d'une société de capitaux dont le résultat est déterminé selon les règles du 2 de l’article 38 du CGI, à partir de l’accroissement de l’actif net entre l’ouverture et la clôture de l’exercice, le profit de réévaluation est imposable au titre de l'exercice de réévaluation, et non après.
Le Conseil d’État juge que la valeur réévaluée est opposable à l'administration fiscale pour le calcul notamment des amortissements et de la plus-value de cession, quand bien même le profit de réévaluation n'aurait pas été imposé en France du fait de stipulations conventionnelles, ni dans l'État de résidence de la société propriétaire. Si le profit de réévaluation n'a pas été imposé au titre de l'exercice de réévaluation (ce qui peut être le cas en l'absence de déclaration de ce profit et de l'absence de contrôle dans le délai de reprise), l'administration ne peut se rétablir au moment de la cession.
Le Conseil d’État ne transpose ainsi pas la solution dégagée en droit interne dans l’arrêt Sté JMD du 19 septembre 2018 (CE, 19 sept. 2018, n° 409864, Sté JMD) s'agissant d'une SCI non soumise à l'impôt sur les sociétés et dont les associés étaient assujettis à l'impôt sur le revenu. Le Conseil d’État a jugé dans cette décision que la réévaluation des actifs de cette société est dépourvue de conséquences sur le plan fiscal dès lors que son résultat fiscal est calculé à partir de flux de revenus nets. Il en a conclu que la valeur d'origine de l'actif, et non la valeur réévaluée, devait être retenue pour la détermination des résultats imposables à l’impôt sur les sociétés entre les mains de nouveaux associés au titre des exercices postérieurs.
Le Conseil d'État, conformément aux conclusions du rapporteur public, annule les arrêts attaqués et renvoit les deux affaires à la CAA de Paris.
#Mots-clés: Intégration fiscale, Groupe fiscalement intégré, Imputation, Pertes définitives, Filiales résidentes, Filiales non résidentes, Droit de l’Union européenne, Liberté d’établissement, questions préjudicielles
#Article du CGI/LPF: 164 B, 209, 223 A, 223 I
#Convention fiscale:
#Pays:
Les trois affaires soumises au Conseil d’État posent la question de la transposition aux pertes définitives d'une filiale non résidente, membre d'un groupe fiscal intégré, de la décision Spie Batignolles du 26 avril 2024 (CE, 26 avr. 2024, n° 466062, Min. c/ SAS Groupe SPIE Batignolles, concl. R. Victor : Lebon T. ; FI 2-2024, n° 4, § 37, comm. N. de Boynes) refusant l'imputation des pertes définitives subies par une filiale résidente, membre d'un groupe fiscal intégré, à raison d'une succursale non résidente, sur le résultat d'ensemble du groupe.
La jurisprudence Spie Batignolles est fondée très largement sur un arrêt W AG de la CJUE du 22 décembre 2022, rendu en chambre simple (CJUE, 22 sept. 2022, C-538/20, Finanzamt B c/ W AG, concl. A. Collins : FI 4-2022, n° 3, § 1, comm. B. Gouthière) qui réduit considérablement le champ de la réserve issue de l’arrêt de grande chambre Marks & Spencer, s'agissant des établissements stables.
En l’espèce, le Conseil d’État devait statuer d’une part, sur deux pourvois du ministre (enregistrés sous le n° 491702 et le n° 491716) dirigés contre deux arrêts de la CAA de Paris, antérieurs à la décision d’avril 2024 (CAA Paris, 15 déc. 2023, n° 21PA03001, Min. c/ Sté Compagnie Plastic Omnium SE et n° 21PA01850, Société Générale, concl. B. Sibilii, C : FI 1-2024, n° 4, § 81), autorisant l’imputation des pertes définitives en application de la réserve Marks & Spencer et d’autre part, sur un pourvoi formé par la Société générale (enregistré sous le n° 496227) dirigé contre un arrêt de la CAA de Paris datant du 22 mai 2024 (CAA Paris, 22 mai 2024, n° 22PA02967, Société Générale, concl. E. Jurin, C+ : FI 3-2024, n° 4, § 17, comm. F. Teper), soit postérieur à la décision Spie Batignolles, et en transposant très fidèlement la solution aux filiales et refusant donc l’imputation.
Les pourvois du ministre contre les deux premiers arrêts de la CAA sont antérieurs à la décision Spie Batignolles : il ne pouvait donc s’en prévaloir. En revanche, la défense dans ces deux affaires et le pourvoi de la Société Générale dans la troisième affaire critiquent cette jurisprudence.
Dans ces trois affaires, le Conseil d’État décide de sursoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
> Comparabilité de la situation des filiales résidentes avec les filiales non résidentes ?
Dans son arrêt X Holding BV de 2010, la CJUE a retenu la comparabilité s'agissant des filiales, alors que dans l'arrêt W AG de 2022 relatif aux établissements stables, la CJUE a retenu une solution de non-comparabilité faisant obstacle à l'application de la réserve Marks & Spencer, lorsque l'État de résidence a renoncé, en vertu d'une convention fiscale, au pouvoir d'imposer les résultats d'un établissement stable non résident.
Il convient ainsi de préciser la portée de la notion de « renonciation » au sens de la jurisprudence W AG. Cette notion ne couvre-t-elle que les renonciations du seul fait d'une convention fiscale (ce qui condamnerait la solution Spie Batignolles pour les établissements stables) ou couvre-t-elle également les renonciations du fait des règles de territorialité internes confirmées par des stipulations conventionnelles (confortant ainsi la solution Spie Batignolles) ?
> Application de la réserve Marks & Spencer aux groupes fiscalement intégrés ?
L'arrêt X Holding BV de 2010 qui retient la comparabilité des situations entre filiales résidentes et non résidentes et qui juge compatible avec la liberté d’établissement l'impossibilité d'inclure dans un groupe fiscalement intégré une filiale non résidente, ne se prononce pas sur l'application de la réserve Marks & Spencer aux groupes fiscalement intégrés ; le Conseil d’État lui pose donc la question.
Droit de l'Union européenne - Libre prestation de services - Restriction - Justification - La CJUE admet que des avantages fiscaux et sociaux réservés à des salariés exerçant leur activité sur le territoire d'un État membre, à l'exclusion des employés détachés dans un autre État membre, puissent être justifiés par des raisons impérieuses d'intérêt général consistant à réduire les écarts salariaux existant au niveau de l'Union et assurer la pérennité d'un secteur d'activité essentiel pour l'État concerné.
CJUE, 1re ch., 26 sept. 2024, C-387/22, Nord Vest Pro Sani Pro, concl. J. Kokott (V. annexe 1)
Annexe 5 : CE, 9e et 10e ch., 19 févr. 2024, n°469407, Min. c/ Sté Somfy , concl. C. Guibé : Lebon T.
Annexe 3 : CE, 9e et 10e ch., 17 oct. 2023, n° 464994, S ocié té Générale , concl. C. Guibé : Lebon T.
Annexe 6 : CE, 9e et 10e ch., n° 464740, Sté Pro'Confort : Lebon T., et n° 464874, Min. c/ Sté Pro'Confort, inédit, concl. C. Guibé
Annexe 7 : CE, 9e et 10e ch., 12 déc. 2023, n° 470038 et 470039, Demaugé-Bost, concl. C. Guibé : Lebon T.
Annexe 1 : CE, 9e et 10e ch., 17 oct. 2023, n° 464551, Tillenon, concl. C. Guibé : Lebon T.
Droit de l'Union européenne - Libre circulation des capitaux - Justification d'une restriction - Politique sociale - La CJUE se prononce, de manière inédite, sur la faculté, pour un État membre (en l'espèce l'Allemagne) d'invoquer des objectifs de politique sociale comme raison impérieuse d'intérêt général justifiant une restriction à la libre circulation des capitaux à destination ou en provenance de pays tiers.
CJUE, 1re ch., 12 oct. 2023, C-670/21, BA, concl. A. M. Collins (V. annexe 2)
Annexe 2 : CE, 9e et 10e ch., 7 avr. 2023, n° 462709, Min. c/ Sté A. Raymond & Cie , concl. C. Guibé : Lebon T.
Droit de l'Union européenne - Principe d'effectivité - Principe de coopération loyale - Impôt perçu par un État membre en violation du droit de l'UE - Délai de forclusion national limitant la perception d'intérêts sur le trop-perçu - Incompatibilité - Dans une affaire opposant le droit polonais au droit de l'UE, la CJUE juge que le principe d'effectivité, lu en combinaison avec le principe de coopération loyale, s'oppose à une réglementation nationale qui, limite le cours des intérêts dus à un contribuable au trentième jour suivant la publication au JOUE d'un arrêt de la Cour duquel découle la constatation de la contrariété de l'imposition en cause au droit de l'Union, voire exclut tout intérêt dans le cas où ledit trop-perçu a été encouru par le contribuable après ledit trentième jour.
CJUE, 7e ch., 8 juin 2023, C-322/22, E. (V. annexe 6)
Directive mère-fille - Législation belge sur le report en avant de la déduction des dividendes perçus par une société (régime des « revenus définitivement taxés », RDT) - La CJUE juge que l'article 4 de la directive mère-fille n° 90/435/CEE ne s'oppose pas à la législation d'un État membre (la Belgique en l'espèce) qui prévoit que les dividendes perçus par une société sont intégrés dans sa base imposable avant d'en être déduits à concurrence de 95 % de leur montant, y compris lorsque cette législation permet, le cas échéant, le report de cette déduction lors des exercices d'imposition ultérieurs, mais qui, toutefois, en cas d'absorption de cette société dans le cadre d'une fusion, limite le transfert du report de cette déduction à la société absorbante en proportion de la part que représente l'actif net fiscal de la société absorbée dans le total de l'actif net fiscal de la société absorbante et de la société absorbée.
CJUE, 8e ch., 20 oct. 2022, C-295/21, Allianz Benelux SA c/ Belgique, concl. A. Rantos (V. annexe 2)
Annexe 6 : CE, sect., 7 oct. 2022, n° 443476, Sté KF3 Plus, concl. C. Guibé : Rec. Lebon
Droit de l'Union européenne - Libre circulation des capitaux - 1° Statut des pays ou territoires d'outre-mer (PTOM) - 2° Invocabilité à l'encontre de l'article 244 bis B du CGI - 3° Office du juge de l'impôt dans l'application de la clause de sauvegarde - 4° Étendue de la décharge de l'imposition en cas d'incompatibilité - À propos d'une société des Îles Caïmans ayant réalisé une plus-value sur ses titres de participation dans une société française soumise au prélèvement de 45 % prévu à l'article 244 bis B du CGI, le Conseil d'État juge que : 1° un pays ou territoire d'outre-mer (PTOM) au regard du droit de l'UE est un pays tiers au regard de la libre circulation des capitaux ; 2° la libre circulation des capitaux peut être invoquée à l'encontre de l'article 244 bis B du CGI, car cet article n'a pas vocation à s'appliquer aux seules participations permettant d'exercer une influence certaine sur les décisions de la société établie en France et d'en déterminer les activités ; 3° en l'absence de différence objective de situation liée à la résidence et alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général n'était invoquée devant lui susceptible de justifier le traitement fiscal défavorable des cessions de droits sociaux effectuées par des personnes morales ayant leur siège hors de France par rapport à celui prévu, pour les mêmes opérations, à l'encontre des personnes morales ayant leur siège en France, le juge de l'impôt est réputé avoir implicitement mais nécessairement jugé que la restriction ainsi constatée à la liberté de circulation des capitaux n'entrait pas dans le champ de l'article 65 du TFUE (clause de sauvegarde) : il peut statuer ainsi sans opposer d'office cet article et n'est pas tenu, en l'absence d'argumentation soulevée devant lui, de motiver sa décision explicitement sur ce point ; 4° lorsqu'un contribuable non résident conteste, au regard de la libre circulation des capitaux, l'imposition à laquelle il a été assujetti sur ses revenus de source française, il convient de comparer la charge fiscale supportée respectivement par ce contribuable et par un contribuable résident de France placé dans une situation comparable ; lorsqu'il apparaît que le contribuable non résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement (et non pas totalement).
CE, 9e et 10e ch., 21 déc. 2022, n° 447568, Runa Capital Fund I LP, concl. E. Bokdam-Tognetti : Rec. Lebon (V. annexe 2)
Contribution supplémentaire des grandes entreprises (CGI, art. 235 ter ZAA) - Exemple d'application à une société de droit allemand exerçant une activité de gestion d'actifs immobiliers - Le Conseil d'État rappelle qu'il résulte de l'article 235 ter ZAA du CGI (applicable aux exercices clos jusqu'au 30 décembre 2016), éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 de laquelle il est issu, que le législateur a entendu soumettre les grandes entreprises à une contribution supplémentaire, compte tenu de leurs capacités contributives plus fortes. À cette fin, il a prévu un seuil de chiffre d'affaires de 250 M€, au-delà duquel cette contribution est due. Ce seuil s'apprécie par référence aux recettes tirées de l'ensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle normale exercée en France et hors de France, quel que soit le régime fiscal du résultat des opérations correspondant à ce chiffre d'affaires. Il se prononce ensuite sur le cas d'une société de droit allemand exerçant une activité de gestion d'actifs immobiliers consistant à acquérir pour le compte d'investisseurs institutionnels des immeubles qu'elle donne en bail de longue durée en vue d'en retirer des revenus locatifs pérennes qu'elle redistribue à ses investisseurs.
CE, 9e et 10e ch., 9 juin 2022, n° 447932, Sté Patrizia Frankfurt Kapital Verwaltungsgesellschaft mbH, concl. E. Bokdam-Tognetti (V. annexe 1)
Annexe 1 : CE, 9e et 10e ch., 1er avr. 2022, n° 443882, Sté Kermadec, concl. C. Guibé
#Auteur: Cyril¤ VALENTIN
#Qualités: Avocat associé, Freshfields Bruckhaus Deringer
#Auteur: Juliette¤ BRASART
#Qualités: Avocat à la Cour, Freshfields Bruckhaus Deringer
En confirmant l’applicabilité de la convention fiscale conclue entre la France et l’État de résidence du bénéficiaire effectif d’un revenu passif de source française dans une situation triangulaire, la décision Planet apporte une importante clarification de la portée de la notion de « bénéficiaire effectif », qu’il convient de saluer (V. § 36) - quelques incertitudes demeurant à ce stade sur la mise en œuvre pratique de la solution ainsi dégagée par le Conseil d’État, selon les configurations (V. § 41). La jurisprudence française illustrant la mise en œuvre des clauses conventionnelles de bénéficiaire effectif reste toutefois peu fournie, et les contours exacts de la notion sont encore à préciser (V. § 5 à 24). Il est aujourd’hui permis de s’interroger sur l’utilité et l’avenir de cette notion de bénéficiaire effectif, pensée par les rédacteurs du modèle OCDE comme un outil de lutte contre le chalandage fiscal, alors que les règles anti-abus se sont largement développées, tant en droit interne qu’en droit de l’Union européenne et dans les conventions fiscales (V. § 44).
Annexe 4 : CE, 9e et 10e ch, 29 déc. 2021, n° 441357, Sté Apex Tool, concl. C. Guibé
Annexe 3 : CE, 9e et 10e ch., 6 déc. 2021, n° 433301, National Pension Service, concl. C. Guibé
Annexe 5 : CE, 9e et 10e ch., 20 juill. 2021, n° 435635, Société nouvelle d’affinage des métaux (SNAM), concl. C. Guibé
Annexe 6 : CE, 9e et 10e ch., 6 déc. 2021, n° 429308, Sté Profin Développement et Gestion, concl. C. Guibé
Annexe 7 : CE, 9e et 10e ch., 18 juin 2021, n° 433315, n° 433319 et n° 433323, Sté Sopra Steria Group, concl. C. Guibé
Annexe 1 : CE, 9e et 10e ch., 2 avr. 2021, n° 428684, Min. c/ Sté EasyJet Airline Company Limited, concl. C. Guibé
Annexe 3 : CE, 9e et 10e ch., 24 févr. 2021, n° 434129, Sté France Citévision, concl. C. Guibé
Annexe 3 : CE, 9e et 10e ch., 2 avr. 2021, n° 427880, Min. c/ Sté World Investment Corporation, concl. C. Guibé
Annexe 8 : CE, 9e et 10e ch., 27 nov. 2020, n° 428898, Kowalewski, concl. C. Guibé