#Auteur: Sandrine¤ QUILICI
#Qualités: Directrice de l'ingénierie patrimoniale, Banque Pictet
#Qualités: Professeur associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
#Qualités: Co-directrice scientifique de la revue Ingénierie Patrimoniale
La fiscalité française est ainsi faite qu’avant de réaliser toute opération sur son patrimoine, il est impératif de vérifier si l’on est éligible à un régime de faveur ou s’il existe des mécanismes susceptibles d’en protéger le rendement. La cession d’une entreprise n’échappe pas à cette règle. C’est pourquoi les entrepreneurs sont souvent tentés de mettre en place des opérations pré-cession telles que la donation précession ou encore l’apport-cession. Toutefois, ces opérations doivent nécessairement s’inscrire dans le cadre d’objectifs clairement identifiés comme la volonté d’anticiper sa transmission ou encore de restructurer son activité. En effet, à défaut, l’entrepreneur risque de se retrouver non seulement dans une situation qui ne correspond absolument pas à ses besoins et dont le débouclage, s’il est possible, pourrait lui coûter particulièrement cher mais également, dans l’obligation de se lancer dans une course contre la montre ; on pense notamment à une opération d’apport-cession, susceptible de lui faire réaliser à la hâte des investissements qu’il va le plus souvent surpayer et pour lesquels il n’aura aucun savoir-faire. Qui plus est, la mise en place d’opérations permettant d’optimiser l’impact fiscal de la cession de l’entreprise ne peut qu’attirer l’attention de l’administration fiscale qui mettra un point d’honneur à vérifier, selon les schémas retenus, la réalité des objectifs familiaux et patrimoniaux, la justification économique des opérations ou encore le respect des conditions fixées par la loi qui, malheureusement, ne sont pas toujours très claires et laissent des zones d’ombres créatrices d’insécurité juridique. Dans un tel cadre, le juge ne pouvait qu’être sollicité et les praticiens doivent tenir compte d’une jurisprudence qui ne cesse de s’enrichir au fil du temps. Il nous a donc paru important de revenir sur l’actualité de ces différentes opérations pré-cession afin d’en rappeler l’intérêt, d’en soulever les risques et de proposer des solutions à même de les sécuriser.
1. Les enjeux attachés à la cession d’une entreprise sont multiples, mais il est un aspect qui mérite que tous les acteurs de l’opération s’y arrêtent : la définition du cadre familial et patrimonial dans lequel s’intègre cette opération. En effet, réussir sa cession nécessite en premier lieu une véritable mise à plat tant de la situation familiale (situation conjugale, présence d’enfants, de petits-enfants, fragilité d’un des membres de la famille, etc.) que de la situation patrimoniale (état du patrimoine, statut matrimonial des biens, structures de détention, état des transmissions déjà réalisées, état des sûretés grevant les biens, etc.). C’est ce bilan global qui va servir de base de discussion afin de faire émerger progressivement des objectifs tels que : protéger le conjoint, assurer les besoins en train de vie, financer l’acquisition d’une nouvelle résidence, aider un enfant à s’établir dans la vie, développer une nouvelle activité, investir dans du capital risque ou encore bâtir un projet philanthropique.1 C’est la définition des objectifs, leur articulation, leur hiérarchisation et leur pondération qui vont guider la nature des opérations susceptibles d’être mises en place avant la cession. Bien sûr, ces opérations ne seront pas les mêmes selon que le conseil intervient très en amont ou selon qu’il n’est consulté que très tardivement, comme c’est malheureusement trop fréquent (II). Dans tous les cas, il conviendra de commencer par un petit exposé pédagogique permettant de faire comprendre au cédant que même si la fiscalité est une donnée à prendre en considération - aussi est-il toujours intéressant de présenter l’impact fiscal de l’opération en l’absence de toute anticipation (I) -, elle ne doit néanmoins pas occulter les objectifs familiaux et patrimoniaux.