#Auteur: Béatrix¤ ZILBERSTEIN
#Qualités: Avocat associé - direction technique nationale du département Droit fiscal de FIDAL
La loi permet au contribuable qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition, de calculer la plus-value de cession en appliquant au prix d’acquisition une majoration forfaitaire de 15 % pour travaux, sans justification de la réalité de ceux-ci. Une décision de jurisprudence révèle que ce faisant, la loi instaure une présomption simple de réalisation de travaux, susceptible d’être remise en cause par l’administration fiscale si elle apporte la preuve « négative » de l’absence de travaux.
1. Dans le régime des plus-values immobilières des particuliers, le prix d’acquisition est majoré, en vertu du 4° du II de l’article 150 VB du CGI et en principe sur justificatifs, « des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu’elles n’ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu et qu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. » Toutefois, la deuxième phrase de cette disposition énonce une tolérance : « Lorsque le contribuable, qui cède un immeuble bâti1 plus de cinq ans après son acquisition, n’est pas en état d’apporter la justification de ces dépenses, une majoration égale à 15 % du prix d’acquisition est pratiquée. […] » .
2. La jurisprudence sur l’application de l’article 150 VB du CGI est peu abondante et pose parfois question. Tel est le cas d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 5 juin 20193, devenu définitif en l’absence d’admission du pourvoi formé par le contribuable4, qui se prononce sur la non-application de la majoration forfaitaire de 15 % au prix d’acquisition dans une situation bien particulière.
3. En appel, l’administration a fait valoir que lors de son acquisition, le chalet était destiné à la démolition et à la reconstruction. Elle s’est ensuite appuyée sur l’acte de cession du 18 mai 2012, aux termes duquel la SCI venderesse déclarait d’une part, avoir obtenu un permis de démolir le tènement existant et un permis de construire délivré le 29 décembre 2010 dont elle a demandé le transfert au nouvel acquéreur qui se chargera des travaux de démolition ; d’autre part, n’avoir pas effectué sur le bien vendu de travaux nécessitant la délivrance d’un permis de construire ou une déclaration préalable ou encore la souscription d’une assurance dommage-ouvrage dans les dix dernières années, et enfin que le chalet était en attente de liaison au réseau d’eaux pluviales collectif.
4. Devant le Conseil d’État, le contribuable s’est placé uniquement sur le terrain de la doctrine fiscale, soutenant que la cour l’avait dénaturée et avait commis une erreur de droit en jugeant qu’il ne pouvait pas s’en prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF pour obtenir l’application du forfait de 15 %.
5. La loi comme la doctrine fiscale posent comme conditions :
L’ŒIL DE LA PRATIQUE
Il nous semble résulter de la lettre et de l’esprit du texte que la majoration forfaitaire de 15 % s’applique dès lors que l’immeuble bâti, objet de la vente, est détenu depuis au moins cinq ans par le cédant, peu important que ce dernier ait ou non réalisé des travaux sur ledit bien. Le vendeur n’a pas à se justifier, ni à établir la réalité des travaux, sauf s’il entend majorer son prix d’acquisition de dépenses de travaux supérieures à 15 % de ce prix. Le forfait est en effet une simple faculté pour le contribuable, dont il peut user ou non.
L’enseignement à tirer de cette affaire est que la loi instaure une présomption simple de réalisation de travaux, susceptible d’être remise en cause par l’administration fiscale. Toutefois, en pratique, une telle remise en cause paraît devoir rester très exceptionnelle, compte tenu de la grande difficulté à apporter la preuve « négative » de l’absence de travaux. Mais l’affaire commentée incite à la vigilancequant aux déclarations qui peuvent être faites par le vendeur dans l’acte notarié ou en réponse à une proposition de rectification susceptibles d’établir qu’il n’a pas réalisé de travaux.